Les castes en Inde
D’un idéal sacré à l’exclusion sociale, comprendre les mécanismes historiques, culturels et spirituels du système complexe des castes en Inde, des dynamiques qui oscillent entre résignation et domination.
Le Védisme
L’arrivée des Aryens (Indo-Européens) en Inde, avec leur philosophie, leur mythologie, et leurs traditions religieuses s’est progressivement combinée aux croyances locales (culte, rituels), donnant naissance au Védisme.
Il s’agit d’un ensemble de textes sacrés sous forme de poèmes, de versets et de rituels, transmis oralement en sanskrit avant d’être rédigés. Ces textes sont à l’origine de l’hindouisme.
Les 4 Varna
Dans ces textes, la société se structure en 4 “Varna” (mot sanskrit signifiant “couleur”, mais souvent traduit par “caste”, ce qui est incorrect.). Il ne s’agit pas d’un mode d’exploitation sociale.
Il s’agit d’un système théorique qui attribue un rôle à chacun dans la société, afin d’assurer l’harmonie et l’ordre du monde selon le Dharma (loi morale et cosmique).
Dans l’hindouisme, le cycle de renaissance est éternel (Samsara). Ainsi, un individu meurt dans une caste, et renaît au sein d’une autre caste selon ses actions (karma).
Dans l’idéal du védisme, ces rôles sont attribués selon les aptitudes de l’individu, et représentent l’articulation du corps humain :
* La tête avec les Brahmana : érudits et prêtres dépositaires des savoirs sacrés
* Les bras avec les Kshatriya : nobles et guerriers qui protègent le royaume
* Le ventre avec les Vaishya : artisans, commerçants et ouvriers qui produisent
* Les jambes avec les Shudra : ceux qui servent les 3 premiers Varna
Cette articulation n’implique pas de hiérarchie mais un principe d’interdépendance. Comme dans de nombreuses autres sociétés anciennes.
D’un idéal à l’exclusion sociale
Avec les évolutions historiques (empire, religions monothéistes, colonisation, indépendance) le système théorique des Varna, s’est transformé en un système héréditaire avec l’émergence du concept de “Jâtii” (naissance). Chaque individu appartenait désormais à un groupe fermé et défini par sa naissance, son métier, sa région, sa communauté religieuse.
Il existe aujourd’hui plusieurs milliers de Jâtii, qui varient d’une région à l’autre.
C’est à cette même période qu’apparaissent les “hors caste” appelés les Intouchables, exclus du système social et déchus du Jaâti suite à des fautes (transgressions symboliques, fautes historiques, activités “impures”).
Paradoxalement, dans la ville sainte de Varanasi, où de nombreux hindous en fin de vie viennent mourir afin d’atteindre le Moksha (libération de l’âme). Ce sont les familles d’intouchables qui accompagnent les défunts dans ce rituel (s’assurer que la flamme sacrée reste allumée, assurer la crémation, laver le linge des futurs défunts, récupérer les bijoux..).
Bien que exclus du système, et avec des tâches marginalisées, ils occupent ici un rôle presque central, et spirituel, dans le processus de libération de l’âme.
Constitution et réalité
Depuis 1950 la constitution indienne interdit la notion d’hérédité et de discrimination fondée sur la caste, et reconnaît les droits des Dalits (« opprimés », intouchables).
A ce jour la mobilité sociale a progressé, mais reste encore profondément enracinée dans la culture indienne (éducation, emploi, mariage etc).
D’une organisation idéale à un système instrumentalisé à la fois politique, religieux et social ; plus de 3000 ans d’histoire traverse ce système de caste, cristallisé dans la culture indienne.
Camille Marion
Intéressant instructif et synthétique
Très intéressant.