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Le biomimétisme « il y a plus à comprendre qu’à inventer. »

« La nature est beaucoup plus riche d’enseignements que de ressources à exploiter. Il y’a finalement beaucoup plus à comprendre qu’à inventer » Benyus, 1997. L’analyse du vivant pour concevoir et innover, a toujours existé. Homos-Sapiens s’inspirait et s’aidait de la nature pour développer de nouveaux matériaux, puis l’Homme et ses désirs ont fait évoluer cette bio-inspiration ; employée depuis les années 80 sous le prisme de la biotechnologie. La bio-inspiration est à l’origine de nombreuses démarches qui utilisent la biologie pour concevoir des solutions : le biomimétisme, la biomimétique, le bionique.

Le biomimétisme est une posture qui vise à apprendre du vivant (qui ont plus de 3,8 milliards d’années), ils s’adaptent constamment à leur environnement et seules les meilleures stratégies survivent. Comme le souligne Tarik Chekchak, directeur du Pôle biomimétisme à L’Institut des Futurs Souhaitables, il est nécessaire d’intégrer le biomimétisme à la notion de futurs souhaitables, avec la rencontre entre la biologie et l’humanité, pour assurer des actions qui s’inscrivent dans la durabilité et l’humanisme [1]. Ainsi, l’approche du biomimétisme permet d’enclencher de nouvelles perspectives intégrées au vivant.

C’est dans les années 1990 que Janine Benyus propulse les fondements du biomimétisme, avec son livre Biomimicry : Innovation Inspired by Nature (Benyus, 1997). Elle distingue les trois fondements reliés du biomimétisme :

  • L’étude de la forme et des fonctions : Les traits physiologiques, morphologiques, ou comportementaux des espèces vivantes, sont fortement liés aux contraintes environnementales, et aux phénomènes d’adaptation, ainsi la forme est utile à la fonction. Par exemple la langue des girafes est longue, ce qui lui permet d’attraper n’importe quel feuillu, de plus, la résistance de sa bouche et l’épaisseur de sa langue lui permettent d’être résistante aux épines des feuilles.
  • Les matériaux et processus : les stratégies du vivant dépendent des espèces, des échelles considérées et de la temporalité. Par exemple : L’anatomie du bec des flamants rose varie selon les préférences alimentaires de l’espèce. Les lamelles qui recouvrent leur cavité nasale permettent de filtrer les aliments. Les éléments indésirables sont expulsés, permettant aussi de dissocier le sel de l’eau.
  • Le système et ses interactions : apprendre des éléments de succès de l’évolution. Par exemple, la communication stigmergique chez les fourmis, celles-ci déposent des phéromones qui permettent aux autres fourmis de capter l’information et d’adapter leurs comportements en conséquence.

L’Homme fait partie intégrante de l’écosystème, cependant, le passage d’une économie agricole à un système urbain productiviste a changé nos rapports au monde et au vivant.  À partir du Néolithique l’Homme se sédentarise pour satisfaire ses besoins, passant du chasseur-cueilleur à un modèle de subsistance basé sur l’agriculture et l’élevage. Cette nouvelle manière de produire marque un début d’anthropisation, mais c’est réellement à partir des révolutions industrielles que l’Homme commence à transformer et marquer son territoire. L’intensification de l’agriculture, la déforestation, l’utilisation massive d’énergies fossiles ont pour conséquence l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, impactant les fluctuations climatiques et créant une rupture climatique.

La prise de conscience de l’impact de l’Homme sur la planète fait émerger en 1987 le concept qui fait l’unanimité : le Développement Durable. Ce concept consensuel, est la solution pour le présent et le futur, qui donne lieu à de nombreux programmes et objectifs autour de cet équilibre entre économie, environnement et société. En 2015, afin de donner suite aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, les Nations Unies ont ciblé dix-sept grandes thématiques d’atteintes aux Objectifs du Développement Durable. Ces thématiques toutes reliées ont été cloisonnées, laissant la liberté à chacun d’interpréter et de répondre de manière segmentée aux ODD…

La capacité de résilience face à ces phénomènes climatiques est inégalement répartie, aggravant davantage le processus cumulatif de la précarité. Il faut, dans la mesure du possible, éviter les solutions qui remettent à plus tard de nouveau défi et privilégier des réponses synergiques à nos besoins. C’est-à-dire satisfaire un besoin en contribuant à la satisfaction d’un autre et éviter les transferts d’impacts, ou les réponses destructives.

Le Biomimétisme est une philosophie, une approche scientifique et une méthodologie qui s’inspire de modèles biologiques pour développer des solutions innovantes et adaptées, en déconstruisant les schémas classiques. C’est un processus qui débute avec l’observation et l’apprentissage de son territoire. En 2009, en réponse aux défis de nos sociétés, le comité français de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature définit les « solutions fondées sur la Nature », caractérisées par l’ensemble d’actions qui  » s’appuient sur les écosystèmes pour relever les défis que posent les changements globaux à nos sociétés comme la lutte contre les changements climatiques, la gestion des risques naturels, la santé, l’approvisionnement en eau ou encore la sécurité alimentaire. En effet, des écosystèmes préservés ou restaurés, qui sont résilients, fonctionnels et diversifiés accueillent une grande biodiversité et fournissent ainsi de nombreux services écosystémiques à nos sociétés. »

Selon Pierre Emmanuel Fayimi (2016), le processus d’application du biomimétisme se fait en huit étapes, allant de l’analyse du problème, au modèle biologique, à la mise en contexte.

EtapesExemple pour illustrer le processus
L’analyse du problème  
Etude du contexte, de l’environnement de la problématique.  

Un quartier précaire sous-équipé est situé sur le lit du fleuve, en plus d’être exposé aux risques de crue, le manque d’équipements d’évacuations des déchets solides et des eaux usées rend le quartier vulnérable (érosions, accidents) et submersible lors d’épisodes pluvieux.  

  Abstraction du problème technique 
Déterminer les fonctions à mettre en œuvre pour résoudre cette problématique.  
Pour remédier à ces problèmes, plusieurs fonctions sont à mettre en œuvre. La fonction prioritaire serait de Protéger et sécuriser les habitants et les constructions, 
  Transposition biologique
Décliner le problème en fonctions biologiques.

D’après la taxonomie BIOMIMCRY 3.8, le groupe biologique transposable à l’action de « se protéger et sécuriser » s’intègre dans la fonction biologique de « PROTÉGER DES DOMMAGES PHYSIQUES – DES MENACES NON VIVANTES – EXCÈS DE LIQUIDES » 
 
Identification des modèles biologiques potentiels  
Déterminer l’environnement naturel dans lequel le problème peut s’insérer.  
Les espèces animales ou végétales qui vivent dans un milieu inondable similaire à celui du quartier d’étude, c’est à dire situé entre deux rives: l’eau et la terre, sont par exemple : Les mangroves, les algues
  Sélection des modèles les plus pertinents
Sélectionner les modèles biologiques les plus intéressants.
 
Pour cet exemple intéressons nous à la mangrove avec le palétuvier
  Abstraction des stratégies biologiques
Passer du modèle biologique au préconcept.  

Le palétuvier est un réseau de contrefort tubulaire vertical qui s’ancre dans le sol assurant la stabilité de celui-ci. La multitude des contreforts verticaux se superposant et se reliant donne une forme horizontale courbée.
 
Transposition à la technologie   Passer du préconcept au concept.  

Créer des barrages en bois qui s’inspirent de la structure des palétuviers : contrefort tubulaire verticaux se superposant et se reliant
Mise en contexte  
Créer un système racinaire proche des zones d’impacts, en utilisant du bois ou autres matériaux low tech, afin de créer une structure ramifiée qui prend racine dans le sol et s’élève en hauteur  
Tableau des 8 étapes d’application du biomimétisme, illustré d’un exemple.

Le biomimétisme et les méthodologies connexes ont pour mission de ne plus simplement répondre à un problème, mais de changer nos modes et manières d’y répondre.

« […] La solution technologique, en ce qu’elle évite trop souvent de se poser les vraies questions sur la nature profonde des problèmes à traiter […] Il ne s’agit pourtant pas de rejeter a priori toute approche technique ou technologique, mais de ne pas se contenter d’une réponse technologique sans explorer toutes les dimensions du sujet, notamment ses aspects culturels ou comportementaux » (Delannoy, 2021, p.52).

Si vous êtes en Ile-de-France et que vous souhaitez en savoir plus sur le biomimétisme, je vous invite à suivre la formation Biomimétisme, au sein de l’Institut des Futurs Souhaitables : https://communaute.futurs-souhaitables.org/page/la-focuslab-biomimetisme , C’est cette formation formidable qui a inspiré mon article.

Si tu es curieux tu peux explorer la base de donnée AskNature : qui regroupe les stratégies du vivant selon la taxonomie, et aussi quelques innovations inspirées.

Camille Marion

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4 commentaires

  1. Merci pour cet article, les vrais paysans amoureux de leur terre et conscients de ses richesses, travaillent dans cette ligne.
    Oui le biomimetiste est un trait d’union essentiel pour être en phase avec cette terre nourricière

  2. Frédérique dit :

    Merci Camille pour cette belle réflexion. Le biomimétisme, notre présent et notre avenir, inspiré et enseigné par notre environnement végétal, animal etc. Quand la vie nous instruit et que l’on ose l’accueillir, la comprendre, alors nous vivons/vivrons en symbiose, en osmose (passé, présent, futur) Merci pour ce chemin de sable si riche et lumineux.

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