Le cycle de l’eau, retour sur un droit vital
Remettre nos consciences au cœur de l’eau.
L’eau ruisselle, elle s’infiltre, s’écoule, s’évapore, se condense ; de l’atmosphère aux rivières, aux océans et aux nappes phréatiques, l’eau voyage à travers le temps et les espaces en changeant d’état (gazeux, liquide, solide). Depuis plus de 3 milliards d’années, la même quantité d’eau se renouvelle et circule sur Terre, cependant, les pollutions changent la composition de l’eau et le prélèvement massif des nappes phréatiques provoque l’affaissement de la Terre empêchant à la nappe de se reconstituer. Cela interroge sur le cycle de l’eau. L’hydrologue Emma Haziza explique que l’eau est restituée dans d’autres réservoirs : « une partie dans la surélévation des océans, une partie en condensation atmosphérique, et une autre partie dans des zones qui sont quasiment dépeuplées, le plateau Tibétain est entrain de récupérer de l’eau, la zone des grands rift en Afrique, on se rend compte que les zones ou le cycle de l’eau est laissé tranquille permet au cycle de se restaurer[…] ». Ainsi, l’eau se restaure dans les zones où le cycle de l’eau est respecté.
La masse d’eau présente sur Terre est d’environ 1,38 million de km3, mais seule une petite partie d’eau est utilisable par l’Homme, car 97% d’eau est salée, 2,6% est de l’eau douce, et 0,07% est disponible pour la consommation humaine. L’augmentation de la demande en eau, son inégale répartition dans l’espace et le temps, et sa gestion non optimisée, sont catalyseurs de tensions.

Aujourd’hui, plus de 80% des eaux usées dans le monde ne sont pas revalorisées, alors même que les enjeux autour de l’eau sont au cœur de l’actualité : barrages, inondations, sècheresses… La question de l’accès à l’eau potable mobilise de nombreux acteurs, laissant à la marge le secteur de l’assainissement, pourtant, la gestion de l’eau est une réflexion qui doit être systémique.
Le dérèglement du cycle naturel de l’eau
125 000 milliards de dollars par an, c’est la valeur économique des services rendus par la nature*.
*D’après le rapport 2019 du Word Economic Forum
Nous vivons et dépendons de la Nature, celle-ci fournit la plupart des ressources pour l’Homme. Les services écosystémiques rendus par la nature sont nombreux :
- Les services d’approvisionnement (ressource) : tous les produits que l’on consomme, directement issus des écosystèmes tels que l’alimentation, les matières premières, l’eau douce, les plantes médicinales.
- Les services de régulation : permettent de réguler les phénomènes naturels par exemple la pollinisation, le stockage de carbone par les arbres, le traitement naturel des eaux usées, etc.
- Les services culturels : bénéfices immatériels, avec le patrimoine naturel, les loisirs, ou l’inspiration que permet la nature, etc.
- Les services d’appui : sont nécessaire à la production d’autres services, avec le sol, l’oxygène, etc.
Ces services rendus, s’insèrent dans un système d’interaction entre espèces. L’urbanisation, l’aménagement des territoires, doivent prendre en compte ce système pour proposer des actions régénératives, et éviter d’être en rupture avec l’écosystème.
La surconsommation, pouls du système mondial
L’augmentation de la consommation en eau est liée au changement des modes vie, couplée à la croissance démographique. La mondialisation et le mode de vie qui en découle, influent nos manières de consommer ; l’agriculture et ses techniques sont toujours plus performantes, souvent au détriment de la Terre.
Quel est le secteur qui demande le plus d’eau ? La consommation humaine. Le passage progressif d’une agriculture itinérante, à une agriculture stabilisée et productiviste ont tendance à détruire l’agriculture traditionnelle, tout en affectant la valeur nutritive des aliments, des sols et de l’environnement. A partir du XVIIIe siècle l’industrialisation agricole s’est démontrée principalement dans les pays développés. Les révolutions agricoles, avec l’intensification de la production, la mécanisation, la monoculture, ont impacté les cycles naturels (épuisement du sol, pesticide, intrants). Par la suite, et face à la mondialisation et aux enjeux globaux, plusieurs pays des Suds (Mexique, Pakistan, Inde, Philippines), s’insèrent dans la productivité agricole, avec la révolution verte : mise en culture de variétés à hauts rendements (VHR) pour les céréales (le riz, le blés ).
La demande en eau augmente, mais le mode de gestion classique de l’eau n’est pas suffisamment remis en cause. L’hyperurbanisation, le mode d’urbanisation des villes, l’usage de matériaux inadaptés à l’environnement local (climat, sol) bouleversent les interactions inter-espèces et les écosystèmes. Les sols naturels sont transformés et souvent imperméabilisés. L’usage du béton sans réflexion de compensation, empêche l’eau de s’infiltrer et ne permet pas à l’aquifère de se reconstituer, ainsi, l’eau ruisselle et surcharge les systèmes d’assainissement (lorsqu’il y en a), ou submerge et inonde les espaces urbains.
Mauvaise gestion de l’eau, ce qui ne va pas dans le modèle classique…
Prenons l’exemple de la France, en moyenne 45% de l’eau douce est utilisée pour l’agriculture, 31% pour les centrales électriques (d’après le gouvernement, ce pourcentage est surestimé et tournerait plutôt autour de 12%) , 21% pour l’eau potable et 4% pour l’industrie. Une personne consomme en moyenne 147l d’eau potable par jour (douche, WC, vaisselle…) et seul 1% de cette eau potable est utilisée pour boire. Comment se fait-il que 99% de notre consommation domestique (WC, douche, vaisselle etc.) soit de l’eau potable ? Alors qu’une fois utilisée celle-ci devient eau grise (eaux ménagères), ou eau noire (eaux des toilettes) et rejetée dans la nature. Ajoutons, qu’un Français consomme 5000 litres d’eau virtuelle par jour, cela revient à 5 tonnes (le poids d’un éléphant) . L’eau virtuelle est l’eau que contient les produits que l’on consomme (agricole, industrie, textile, service), cette eau contenue dans les produits, qui est en général une eau importée, ou exportée.
L’assainissement, une notion multi-dimensionnelle, qui porte à elle seule de nombreuses responsabilités.
C’est 3000 ans av JC que les premiers systèmes de recyclage des eaux ont émergé, avec des structures qui permettaient de distribuer, d’évacuer, ou de récupérer les eaux. L’assainissement est défini par l’OMS en 1949 comme « un ensemble d’actions visant à améliorer les conditions qui, dans le milieu physique de la vie humaine, influent ou sont susceptibles d’influer défavorablement sur le bien-être physique, mental ou social des individus ou des communautés ». Les étapes de ces processus, et le mode de réponse (autonome, collectif) varient d’un pays à l’autre, et d’une ville à l’autre. La mauvaise gestion de ces services a des impacts sanitaires, environnementaux et socio-économiques non-négligeable.
L’assainissement porte des réalités diverses :
- L’assainissement solide : La gestion des déchets solides, avec la collecte, le transport, la valorisation et l’élimination du déchet.
- L’assainissement liquide : la gestion des eaux usées : eau ménagères (eaux grises et eaux noires), les eaux pluviales, les eaux industrielles, les eaux agricoles avec la collecte, l’évacuation, le traitement et le rejet dans la nature.
Dans le cadre de cette réflexion je m’interesse à l’assainissement liquide, qui en lui-même comprend beaucoup de complexité. La réflexion devrait se faire de manière systémique avec le déchet solide, car les déchets solides lorsqu’ils ne sont ni collectés, ni évacués et traités, sont vecteurs de maladie, et accentuent les dysfonctionnements du drainage des eaux usées (obstruction des carneaux, contamination des cours d’eau, etc.)
La gestion de l’eau : un service qui doit être systémique
La non-optimisation de la ressource en eau, et la mauvaise gestion de ces eaux peut avoir des impacts sanitaires, en plus des pertes qu’elles occasionnent. La réflexion menée avec le biomimétisme et les solutions fondées sur la nature, laisse entrevoir le potentiel de cette approche. C’est une manière de reconsidérer nos manières de faire et de concevoir, qui nécessite de remettre en question nos savoirs.
Rappel : pénurie d’eau et pourtant pertes importantes :
- 80% des eaux usées dans le monde ne sont pas réutilisées,
- L’imperméabilisation du sol empêche l’infiltration de l’eau et participe aux inondations, en plus d’empêcher au sol de respirer et de faire vivre son écosystème,
- Mauvaise gestion de l’eau douce (70% de l’eau douce est utilisée pour l’agriculture) alors même qu’elle est une ressource précieuse,
- Mauvaise gestion de l’eau potable (consommation),
- Vétusté des réseaux : fuite des réseaux, avec des pertes importantes d’eau potable, nécessitant plus de prélèvement et donc d’énergie. Les fuites sur les réseaux sont un problème qui génère des pertes. En France ces pertes sont d’environ 20 % à 30 % d’eau potable,
- Un modèle de consommation déconnecté.
Au cœur d’une réflexion « système eau ». Les écosystèmes qui s’adaptent le mieux à leur environnement, sont ceux qui abritent une diversité d’espèces, car chacune d’elle a une fonction particulière au sein de cet espace. Alors, cette mixité fonctionnelle, par les formes et les fonctions peut se traduire dans le mode d’habiter, et de consommer.
Les matières organiques rejetées dans l’environnement peuvent être — dans une certaine mesure — consommées par les organismes vivants, on parle ainsi de processus d’aérobie. Cependant, les bactéries peuvent également être submergées si la quantité des déchets organiques rejetée est trop élevée. Les nutriments (azote, phosphore) présents dans ces eaux usées génèrent un excès de végétation aquatique — qui se nourrit de ces nutriments — déséquilibrant l’écosystème (GRET 2018). C’est pourquoi le traitement des eaux usées est essentiels.
Actuellement les méthodes d’épuration des eaux (employant la chimie et la mécanique) demandent beaucoup d’énergie, alors même que l’eau traitée n’est pas consommable. En France, les systèmes de traitement des eaux usées nettoient une partie de l’eau et la nature s’occupe des 60% restant. En parallèle, la phyto-épuration est le système le plus performant, en plus d’être low-tech (pas de technicité particulière, et ne nécessitant aucune consommation d’énergie) et autonome, elle permet de récréer des espaces naturels vivants, tout en purifiant l’eau. Le processus de filtration se produit grâce au creusement de différents bassins et par la sélection d’une faune et d’une flore locale et spécifique à l’enjeu de filtration (roseaux, menthe aquatique, algue, pierres, argiles, écoulement lent par gravitation, etc.)
La méthode de désalinisation ? une solution qui n’est pas durable. L’eau salée représente 97% de l’eau sur Terre, l’idée de la désalinisation de l’eau est séduisante, et pourtant la majorité des techniques actuelles nécessites beaucoup d’énergie fossile (pétrole, gaz), en plus de rejet de saumure dans la mer, qui augmente la salinité de l’eau et dérègle les systèmes eau. La saumure au lieu d’être rejetée dans la mer pourrait être valorisée, pour d’autres usages (lesquels?). Cependant la question de l’énergie et de la chimie perdure.
Quelles solutions ?
L’eau usée est une ressource qui existe en abondance, traiter cette eau usée pour ensuite les réutiliser permet de développer un système régénératif, en plus d’économiser l’eau et sa consommation. En réutilisant l’eau usée (après traitement) comme ressource pour l’agriculture, l’industrie et les services, cela permet de réduire notre consommation en eau douce. De nombreuses solutions existent à l’échelle des ménages, mais la mise en place d’un système à l’échelle nationale ou d’une collectivité demande de revoir les réglementations. En France, depuis 2023, le Plan Eau planifie un ensemble d’actions pour une meilleure gestion de l’eau (planification de son usage, réduction des pertes, valorisations des eaux non-conventionnelles, restauration du cycle de l’eau…)
Réintégrer les eaux usées dans le circuit
La réutilisation des eaux ménagères après traitement pour l’arrosage des espaces verts, des rues, le nettoyage urbain, il existe également des système de réutilisation des eaux grises pour l’usage des WC limitant la consommation d’eau et d’énergie :

Microbics propose des produits pour le traitement des eaux usées et de gestion des eaux pluviales, à l’échelle du ménage, de la collectivité, pour les industries et les agriculteurs.
Réintégrer les eaux usées (après traitement) pour l’agriculture dans un cycle « vertueux » permet de faire jusqu’à 95% d’économie d’eau. Israël est parmi les rares pays à réutiliser ses eaux usées à l’échelle nationale, grâce à des réformes institutionnelles, et un schéma directeur national de l’eau, pour réduire et optimiser l’usage de cette ressource. Les eaux usées sont traitées à 97%, et réutilisées à 87% pour l’agriculture, diminuant la part de l’usage de l’eau douce à 35%.
L’eau de pluie, faire de cet aléa une ressource
Ne plus perdre les eaux pluviales, dont l’intensité et l’irrégularité va en s’intensifiant. Alors comment faire de cet aléa une ressource ?
Les gouvernements ont tout à gagner à étendre la végétalisation à grande échelle: Celle-ci produit de l’oxygène, de la rétention de carbone, de l’ombrage, elle réduit l’impacte de l’érosion, et des glissements de terrain. La végétalisation des sols, des toits, permet d’absorber environ 70% d’eau et de limiter le risque de submersion, tout en participant au rafraichissement des villes. Les quartiers en béton doivent être compensés par des espaces verts, afin que l’eau s’écoule librement et s’infiltre. Il existe également des systèmes de désimperméabilisation des sols, pour que l’eau de pluie recharge les eaux sous-terraines.
Le concept de ville « éponge » est totalement pertinent dans cette réflexion du système eau et de l’amélioration de qualité de vie. Depuis 2018, la ville de Berlin en Allemagne, promeut une architecture régénérative ; les projets immobiliers doivent prendre en considération la gestion des eaux urbaines. Les eaux de pluies ne sont plus évacuées, des aménagements guident l’eau pour qu’elle puisse s’écouler naturellement au sein de la ville. Des bassins de rétention sont aménagés, pour accueillir des zones humides et permettre aux végétaux et au sol d’absorber l’eau de pluie. Selon les espèces végétales l’eau est purifiée et s’écoule dans des bassins qui rafraichissent l’espace en plus de participer à la création d’habitat naturel, et d’espace public.
La réflexion sur la récupération des eaux de pluie comme ressource réutilisable est essentielle. Il existe déja plusieurs méthodes de récupération d’eaux pluviales (récupération de l’eau en toiture, filet de condensation, parapluie inversé…), et pour éviter à l’eau de stagner (bactéries) et lui permettre de circuler il existe des systèmes de dynamisation de l’eau. Il est possible à l’échelle du ménage d’être plus ou moins autonome en eau, les gouvernements sont-ils prêts à voir des habitants autonomes en eau ? car cela signifie de l’argent en moins pour les services de traitement des eaux. La gratuité de cette ressource est-elle envisageable pour l’Etat ? En France d’après le Plan Eau 2023, la mesure n°6 envisage « d’accompagner les citoyens pour l’installation de kits hydro économes et de récupérateurs d’eau de pluie en fonction des besoins sur le territoire », à voir si la communication se traduira dans les actions.
D’eau usée à potable, est-ce pensable ?
Les deux projets reconnus à l’international de traitement des eaux usées en eaux potable, sont localisés pour l’un d’entre eux, dans une ville au climat semi-désertique, et pour l’autre au sein d’un pays au climat équatorial.
Depuis 1968, la capitale Windhoek en Namibie traite ses eaux usées en eau potable. Les hautes températures et les faibles précipitations, font de la Namibie un pays aride. L’eau potable du pays provient des forages et des barrages, mais face à la pénurie d’eau et à la croissance démographique, l’alternative du traitement des eaux usées s’est imposée avec la technologie Direct Potable Reuse (DPR). Depuis 2002, la ville de Windhoek agrandit son entreprise, elle est financée par le consortium Windhoek Goreangab Operating Company (WINGOC), regroupant Véolia (France), VAtech Wabag (Inde), et Berlinwasser (Berlin). Le traitement de cette eau (ozonation, ultrafiltration…) s’inspire des procédés de la nature. Après traitement, cette eau dessert 400 000 habitants et répond à 25% des besoins de la capitale.

Dans les années 1968, les habitants de Windhoek n’ont pas été informés de la provenance de cette eau, ils ont été mis devant le fait accompli. Par la suite les sécheresses et difficultés d’accès à l’eau potable, ont rendu ce procédé plus acceptable pour les consommateurs. En parallèle, en 2011 des sondages ont montré que la moitié de la population n’était pas au courant de la provenance de cette eau.
En 1990, la cité-Etat de Singapour pour laquelle chaque élément est une ressource. Singapour bénéficie de peu de ressources naturelles, pour faire face à ces difficultés le pays fait de ses atouts une force en misant sur l’industrie portuaire, et les nouvelles technologies. Singapour optimise chaque ressource et espace pour pallier aux enjeux de son territoire et du développement durable. La réflexion derrière chaque planification, avec un urbanisme et une économie engagée pour l’innovation durable (infrastructure bioclimatique, bio-inspirée, un festival annuel qui met en lumière des solutions-concepts innovants et durable le « Singapor Design Week ») témoigne d’une culture du « durable » et d’un écosystème urbain-environnemental. Ainsi, la population peut plus facilement être sensibilisée à l’usage de nouvelles pratiques.

A Singapour, l’accès à l’eau potable est permis grâce à :
- La Malaisie (40% de la consommation),
- Les réservoirs naturels de collecte de l’eau de pluie (20% de la consommation),
- Le recyclage des eaux usées (30% de la consommation)
- La désalinisation et reminéralisation de l’eau de mer (10% de la consommation).
Depuis 1990, la société Newwater recycle les eaux usées pour la rendre potable. Pour l’instant cette eau est utilisée essentiellement pour l’industrie électronique. De plus, son traitement (ultrafiltration, osmose inversée, Ultra Violet), dépouille l’eau de ses minéraux, ainsi seule 5% de la production est reminéralisée et mélangée à de l’eau naturelle pour la consommation des ménages. Dans les faits, cette culture du régénératif, de l’innovation ne suffit pas à l’acceptation, car (à raison) la consommation de cette eau génère des réticences chez certains.
Perception, sensibilisation et règlementation
L’un des enjeux majeur pour faire évoluer la gestion des eaux, serait de communiquer aux enfants (dès le plus jeune âge) sur le cycle de l’eau, son parcours, les techniques et différents systèmes de collecte et d’épuration des eaux. Proposer des formations des sensibilisations sur l’impact de nos actions sur le cycle de l’eau. La réglementation doit également être allégée (en terme de réutilisation des eaux usées), c’est indispensable. A l’échelle nationale il serait judicieux de faire appel à des biologistes pour être conseillé dans la mise en œuvre d’un schéma directeur, et sur la réflexion de l’échelle de gestion de l’eau (avec un organisme dédié aux réflexions et aménagement sur l’eau, assurer des tarifs abordables, quelles justifications aux tarifs très variable de l’eau ? ).
La perception est l’un des obstacles majeur à la réutilisation des eaux usées. Il est nécessaire de comprendre la perception, le symbolisme, le pouvoir que peut générer l’eau, et qui impacte le choix, la pratique, l’utilisation de celle-ci. Prenons un exemple, pour les hindouistes mourir dans les eaux du Gange ou y faire ses ablutions, notamment dans la ville de Varanasi, permet la purification et la libération de l’âme. Ce fleuve sacré pour les hindous est également l’un des plus pollués au monde. À Varanasi, 1 milliard de litres d’eau usée domestique y sont déversé chaque jour en plus des rejets industriels et des incinérations, mais dans les croyances hindoues, le fleuve qui purifie les âmes peut aussi se purifier. Bien que certains hindouistes constatent que le fleuve est pollué par les déchets, d’autres ont la conviction du contraire. On pourrait se poser la question sur les pouvoirs vibratoires de l’eau ? À travers cet exemple on observe ce que les croyances et représentations de l’acceptabilité des pratiques varient. Il faut donc s’intéresser aux normes sociales pour pouvoir proposer des innovations acceptables pour les habitants et aussi en démontrer l’utilité.
La question de la consommation d’une eau anciennement polluée par l’usage humain, reste complexe, cela dépend de l’origine de cette eau. L’idée serait plutôt d’optimiser cette eau pour la réintroduire dans le circuit (agricole, industrie, service), car aujourd’hui 70% de l’eau douce est utilisée pour l’agriculture. De plus, les procédés de purification de ces eaux usées en eau potable interrogent, car les eaux sont totalement déminéralisées, est-ce que la reminéralisation de ces eaux, apportent-elle des nutriments de qualité, et nécessaire à notre métabolisme ? Existe-t-il des procédés de reminéralisation naturelle de l’eau ? et sont-ils suffisants ?
La mise en place de dispositifs adaptés au cycle de l’eau, reviendrait moins chers aux ménages, et les transactions financières autour de l’eau diminueraient. Les dysfonctionnements en matière de gestion de l’eau, révèlent que la crise de l’eau est située à l’échelle du système. En 2019, les transactions autour de l’eau comme marchandise s’élevaient à 2 milliards d’euros. L’eau est un droit fondamental et indispensable à l’Humain, pas un produit financier. En 2021, selon le rapport du WWF la valeur économique de l’eau était estimée à 58 milliards de dollars par an.
Pour redonner l’espace et le temps à l’eau de se régénérer, ce sont les fondement de notre système qui sont à revoir. L’eau est un enjeu sociétal, environnemental, devenue un objet géopolitique ; mais l’eau est avant tout un élément naturel, qui est nécessaire à la vie.
Camille Marion