Habitation Clement
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Histoire du rhum

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L’histoire du rhum, c’est aussi l’histoire de la découverte des Amériques par les européens, de l’esclavage, du commerce triangulaire, de l’économie coloniale, l’histoire de la piraterie, de la navigation maritime, ou encore le prélude de l’industrialisation en Europe.

« Rhum » : les premières images qui apparaissent sont : cocktail, plage de sable blanc, musique, danse, pirate, végétation luxuriante. Le rhum fait partie de la culture des Antilles où est née une nouvelle civilisation issue du brassage, du mélange, du cocktail, de la coexistence des colons et des esclaves dans la plantation : nouvelle langue, nouvelle cuisine, nouvelles musiques, nouvelles danses, bref une identité spécifique, une culture.

En 1493, lors de son deuxième voyage, Christophe Colomb apporte avec lui, des Îles Canaries, une plante : la canne à sucre d’abord à Cipango (qui deviendra Cuba) et à Hispaniola (qui deviendra Saint Domingue). La plante se répand ensuite d’îles en Iles : Porto Rico, Jamaïque et dans les petites Antilles : Saint Kitts, Barbade, Martinique, Guadeloupe, ainsi qu’en Amérique du Sud : Brésil, Pérou, Venezuela. 

Le « roseau qui donne le miel sans le recours à l’abeille » ou « roseau sucré » aurait été découvert par l’occident avec les armées d’Alexandre plus de 300 ans avant JC, lors des expéditions en Asie, et rapporté dans le bassin méditerranéen. L’Inde et la Chine1 aurait connu longtemps avant le monde occidental le procédé de fabrication du sucre issu de cette plante.

Quand la canne est apparue, le sucre n’existait pas en Europe. Le sucre était alors utile / nécessaire pour conserver les aliments ou pour la pharmacopée. Pour sucrer les plats, depuis l’antiquité, égyptiens, phéniciens, grecs, romains, utilisaient le miel.

Lorsque le raffinage primaire de la canne est déployé aux Antilles vers 1640.2 Les Antilles deviennent des îles à sucre jusqu’au XIXè siècle.3 La fabrication du sucre a d’abord été le seul objet des plantations de canne des Antilles.

Mais la canne à sucre est pénible à couper, elle est haute (jusqu’à 4m de haut), lourde, remplie de feuillages coupants (il faut trouver la tige de canne) et le terrain attire les serpents. Il faut une main d’œuvre abondante, ce qui favorise le commerce triangulaire.

Au début de l’histoire, le rhum est un sous-produit. Des témoignages anglais attestent d’une boisson alcoolisée à base de sucre de canne, dés 1630 à la Barbade. 

Les premiers rhums sont des eaux de vie de canne, très fortes en alcool, âcres et à l’odeur désagréable. Un alcool assez grossier, violent, un tord boyaux, aussi appelé tafia ou guildive ; qui sert aussi pour désinfecter. A la fin du XIXè siècle dans le nouveau monde, les classes supérieures boivent du cidre, du vin, du cognac ; tandis que le rhum est la boisson des classes inférieures. Elle donne du courage aux esclaves pour leur journée de travail (lorsqu’elle n’est pas interdite) et du courage pour les batailles navales. C’est la boisson des marins, elle réchauffe, ne pourri pas, et si une ration quotidienne est adoptée par les marines officielles (dans la Royal  Navy cela s’appelait le grog) , les frères de la côte et flibustiers s’en abreuvent également. Outre les trésors qu’ils convoitent, les pirates traquent aussi les cargaisons de  rhum …4

Dans les Antilles, au cours du XVIIè siècle les techniques de distillation sont considérablement améliorées. Dans les Antilles françaises, le père Labat moine dominicain, l’améliore en 1694 avec un alambic à repasse qui révolutionne la distillation. Le premier alambique du père Labat fut réalisé à Saint-Pierre en Martinique, puis s’est répandu d’îles en îles.

Les Antilles concentrent la production de rhum au XIXè et début du XXè siècle, Saint-Pierre de la Martinique (surnommée la petite Venise) est le premier centre mondial du commerce du rhum. Mais en 1902 le drame se produit : l’éruption de la montagne Pelée. La ville est détruite.5 Parallèlement se produit l’ascension irrésistible du rhum à Cuba avec Don Facundo Bacardi qui crée sa première distillerie à Santiago de Cuba en 1862. Bacardi deviendra le premier producteur mondial de rhum qui sera alors vendu dans 100 pays installant le rhum industriel comme référence. Ensuite, les rhums des distilleries Bacardi, seront vendues sous la marque Havana Club (marque créée à Cuba en 1934, dont la distillerie remonte à 1878) ; Bacardi ayant été nationalisée après la révolution castriste. La première distillerie d’une marque encore vivante est cependant Mount Gay à la Barbade en 1703.

Les guerres en Europe en 1870, 1914/18, 1939/45 favorisent la production de rhum pour les soldats, comme la prohibition aux États Unis (1920-33).

Le rhum agricole commence à être produit en Martinique de manière significative à la fin du XIXè siècle.6 Le terme « agricole » est utilisé une trentaine d’années après le début de la production, pour différencier le rhum produit à partir du pur jus de canne, du rhum industriel produit à base de mélasse (parfois appelé rhum traditionnel ou rhum de plantation). C’est une spécificité des Antilles françaises, précurseurs dans ce domaine. Le rhum agricole tire la filière rhum vers le haut. C’est un produit typique des Antillais françaises, reconnu internationalement et qui s’exporte dans d’autres régions de production. C’est une fierté nationale au même titre que le Cognac ou l’Armagnac, puisqu’il y a 25 ans déjà en 2001, le président Jacques Chirac avait offert au premier ministre britannique Tony Blair un rhum vieux hors d’âge (12 ans), très probablement de la Martinique, peut être de la marque La Mauny.

La canne à sucre peut être de couleurs différentes selon sa variété (bleue, jaune, violette, brune …) et l’ensoleillement dont elle bénéficie. 

Procédé de fabrication du rhum

La canne est récoltée puis elle est broyée. Il en sort un jus : le vesou. Le vesou est conduit dans des cuves de fermentation qui transforment le vesou en vin de canne. Puis c’est la distillation pour produire un alcool qui titre entre 65 et 85 degrés. Enfin, la réduction, la dernière étape : on abaisse le titrage du rhum en lui ajoutant de l’eau dont la qualité compte  beaucoup pour la qualité finale du produit puis le mélange est brassé. La mise en bouteille a lieu et éventuellement le vieillissement pour obtenir un rhum vieux.

Origine du mot « Rhum »

Plusieurs hypothèses existent pour l’origine du mot rhum, mais la plus vraisemblable qui est aussi la plus romanesque et la plus pittoresque est la suivante : rhum viendrait du mot anglais rum lui-même raccourci de « rumbullion » qui signifie tumulte ou vacarme dans le vieil anglais, car c’est ce qu’engendrait comme comportement la consommation de cet alcool. 

Conclusion

Ce voyage au pays du rhum, se raccroche aux histoires coloniale militaire culinaire technique ou industrielle, c’est un voyage dans le temps. Au delà d’une culture, c’est un patrimoine vivant.

Comme la cérémonie du thé au Japon, il existe une cérémonie du ti-punch : sur un guéridon en mahogany se trouvent un flacon en cristal pour le sirop de canne en premier, une petite assiette avec des morceaux de citron vert, fraîchement découpés que l’on presse en second, puis la bouteille de rhum, de laquelle on verse amoureusement quelques rasades, et enfin une cuillère à long manche ou un lélé (petit bout de bois utilisé pour mélanger cocktail et ti-punch) pour remuer ; c’est un plaisir de préparer puis d’offrir le ti-punch.

  1. Voir mon article sur ce blog, Les chinois ont tout inventé ou presque ↩︎
  2. En Inde on fait bouillir le jus de canne depuis 500 avant JC mais c’est aux Antilles que débute l’industrialisation de la filière …prélude de la révolution industrielle en Europe un siècle plus tard (grâce aux hollandais qui maîtrisaient le procédé, chassés du Brésil par les portugais) ↩︎
  3. L’importance du sucre à cette époque peut s’analyser par le choix de Napoleon 1er de vendre la Louisiane plutôt que les îles à sucre des Antilles. ↩︎
  4. Un article sur l’histoire de la piraterie est disponible sur ce blog ↩︎
  5. Voir l’article de Camille sur ce blog. ↩︎
  6. Les dates diffèrent suivant les sources : les distilleries La Mauny fondée en 1749 et Saint James fondée en 1765 ont commencé avec du rhum de mélasse et produisent du rhum agricole depuis 1820 ou 1829 pour la première et 1885 pour la seconde. La distillerie Clement n’a produit du rhum agricole, la première fois en 1887 ↩︎

H. Marion

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