Photographie personnelle de l'auteur, Cité interdite Pékin, 1992

Les chinois ont tout inventé … ou presque

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Cet article est un recueil, une compilation d’informations provenant essentiellement de deux ouvrages de José Frèches : Il était une fois la Chine : 4500 ans d’histoire et Le dictionnaire amoureux de la Chine. Avec ce recueil d’inventions chinoises, jusqu’à la fin des périodes impériales (1911), je souhaite attirer l’attention du lecteur sur la capacité inventive des chinois depuis des millénaires, toujours en avance sur le reste du monde. Victor Hugo très intéressé par la Chine, a écrit dans « l’Homme qui rit » publié en 1869 : La Chine a eu avant nous toutes nos inventions, l’imprimerie, l’artillerie, l’aérostation, le chloroforme …

Pourquoi aborder ici, ce sujet ? Parce qu’il exprime sous un angle différent l’esprit qui anime en partie ce site : une autre vision des sujets, par le prisme de la culture.

Dans la culture occidentale, on admet que la Chine a inventé de nombreuses choses. On l’admet, un peu forcé parfois, mais ce n’est pas enseigné … On apprend toujours dans le système scolaire français au 21ème  siècle que Gutenberg a inventé l’imprimerie, en oubliant de préciser … en Europe ; car les chinois l’utilisaient 500 ans avant les européens. On l’admet aussi pour la poudre à canon, ponctuellement pour la porcelaine ou la soie. Mais quand on le reconnait, on omet de préciser l’avance des chinois sur les européens. Sait-on que la technique de forage pour le pétrole, utilisée en 1869 en Californie, existait dès le 11ème siècle en Chine ; ou bien que la technique de la porcelaine était parfaitement maitrisée et quasi industrialisée vers 1400 en Chine, quand en France on fêtait en 2021, les 250 ans des porcelaines de Limoges ?

Laissez-vous surprendre par cette liste non exhaustive, d’inventions chinoises. En Chine, si tout ce qui est important est écrit depuis des millénaires, la datation des inventions peut être parfois relativement vague et/ou controversée, suivant les auteurs. Mais ce qui semble important, surprenant, ou à retenir c’est la variété des inventions et la période à laquelle ces découvertes ont lieu, par rapport à l’Europe.

Photographie personnelle de l’auteur, Hong Kong, 1992

 

On reconnait généralement que la Chine a découvert 4 des plus grandes inventions du monde :

  • L’imprimerie dont nous venons de parler : impression, dès le 7ème siècle à partir d’un bloc de bois sur lequel l’ensemble du contenu était gravé. Le premier livre chinois est imprimé en 677 (ou 868). Et surtout l’impression à caractère mobile entre 990 et 1051 (peut-être 1040) 500 ans avant l’Europe.

La polycopie : à partir d’un texte gravé sur une stèle, on place une feuille de papier sur le texte et à l’aide d’un tampon imbibé d’encre on obtient une copie de l’original. Ce système était la garantie que les lois impériales étaient transmises, sans erreur, dans les provinces.

Si l’imprimerie s’est moins rapidement développée qu’en Europe, c’est en raison peut être d’absence de mécanisation, de la qualité des encres, mais surtout de la nécessité de disposer d’une énorme quantité de caractère mobiles correspondant à chaque idéogramme (plus de 9300 durant la période des Han (dynastie ayant régné environ de 206 avant JC à 220 après JC[1]).

  • La Poudre à canon sous les Tang (dynastie ayant régné environ de 618 à 907) probablement en 904 (400 ans avant l’Europe) ;
  • La fabrication du papier (50 ans après JC), 1000 ans avant l’Europe, fabriqué à base de fibres de chanvre, de bambou et de lin ;
  • Et La Boussole qui est bien d’origine chinoise, mais il y a des désaccords sur la date précise à laquelle elle fut inventée et sur son utilisation actuelle pour la navigation. Le sujet pourrait donner lieu à un article spécifique. La première boussole chinoise n’était probablement pas conçue pour la navigation, mais consistait en une pierre d’aimant utilisée pour harmoniser l’énergie environnementale (le Qì) selon les principes géomantiques du Feng shui.

La Boussole fonctionne en utilisant de la magnétite (minéral ferrimagnétique) qui indique le sud quand elle est suspendue. Utilisée sous les Han pour la divination, et pour la navigation entre le 9ème et le 11ème siècle contre l’an 1300 en Europe, soit minimum 200 ans avant l’Europe, même si la première mention de « l’attraction d’une aiguille par un aimant » se trouve dans un ouvrage chinois datant de 70 à 80 après JC.

Poursuivons :

  • La Manivelle 200 ans avant JC (1100 ans avant l’occident) pour actionner des treuils, des meules, des ventilateurs pour vanner (nettoyer les graines de la paille et des déchets) ou améliorer la chauffe des fourneaux métallurgiques.
  • La fonderie du fer (1500 ans avant l’Europe) et de l’acier : l’âge de fer débute pendant la période des Zhou (1500 avant JC), monopole d’Etat durant les Hans (plusieurs procédés existent : brut, fonte, forgé …) et la fabrication de l’acier 500 avant JC (mélange de métaux, fer et carbone fonte à très haute température). Grâce au savoir-faire acquis 2000 ans avant JC pour la fonte du bronze (pour la fabrication des vases rituels sur lesquels étaient gravées les lois) avec le système de soufflets, la température des fours pouvait être très élevée.
  • La Brouette, pour transporter les blessés, durant les Hans. Même s’il y a des preuves plus anciennes de brouettes, elles existent officiellement entre 197 et 234 (en Europe, la brouette apparait après l’an 1000).
  • L’Arbalète à répétition (sous les Tang) de 500 kg projetant à 900m, des carreaux longs de 2,5 m ; arbalètes inventées dès la période dite des Royaumes combattants (-475 à-221 avant JC).
  • L’Horloge mécanique (sous les Han), la journée est découpée en 12 périodes de 2h chacune, désignées par un des 12 animaux de l’astrologie chinoise (l’heure du rat de 23h-1h début de la journée).
  • Les Navires de grande contenance au 10ème siècle, jonques à cales compartimentées pouvant transporter jusqu’à 1000 personnes.
  • Le Billet de banque : papier monnaie (sous les Tang).
  • Le thé 2700 ans avant JC, une légende poétique explique qu’un empereur chinois avait l’habitude de se reposer sous un théier. Ayant pour habitude de faire bouillir son eau avant de la boire, un jour de vent, quelques feuilles tombèrent dans son eau qui changea de couleur. Il en bu et senti un bien-être l’envahir, ainsi serait né le thé. Initialement à usage médicinal, le thé est devenu une boisson prestigieuse réservée à l’élite en raison de son coût, avant de se diffuser plus largement. Une légende indienne attribue la découverte du thé à Bodhidharma venu prêcher le bouddhisme en Chine (période du royaume de Weï : 220-280), mais il aurait quand même découvert les vertus du thé, en Chine (en mâchant quelques feuilles). Au Japon, la légende un peu différente attribue également l’invention du thé à Bodhidharma, toujours lors de son voyage en Chine.
  • Le Forage en profondeur (200 ans avant JC) pour récupérer du sel en profondeur, le gaz naturel était également transporté dans des tuyaux de bambou. Comme indiqué en introduction, la technique utilisée en 1869 en Californie pour le pétrole existait dès le 11ème siècle en Chine.
  • Les Nouilles, sujet controversé, mais en 2002 on a trouvé une nouille de 4000 ans …
  • Le Sismographe (en 132 après JC), indiquait la direction du séisme.
  • La soie 5000 ans avant JC (2 sources différentes découvertes en 1927 – un cocon – et 1957 – velours de soie) parfaitement maitrisé 500 ans avant JC (période de Confucius), mais n’arrive en Europe qu’au 8ème siècle : Espagne sous domination arabe, puis en Italie et au sud de la France au 12ème siècle.
  • Le système décimal 16ème siècle avant JC, découvert par les arabes au début du 9ème siècle et attribué en Occident au mathématicien Simon Stevin … en 1585 ; et le boulier calculateur antique (12ème siècle).
  • Une Boisson alcoolisée (il y a 9000 ans) riz aubépine miel raisin pour faire une bière 4-5°.
  • Les concours de recrutement au mérite des fonctionnaires (système mandarinal) et non en fonction de la naissance (noblesse) systématisé, formalisé et renouvelé au 6ème siècle puis sous la période Tang, basé sur la connaissance des « classiques » (le nombre des « classiques » à connaitre évolue au cours des siècles, jusqu’à 13 : les 5 premiers remontent à la période Zhou, 1000 ans avant JC[2], lors de la suppression de ce type d’examen en 1905, 9 ouvrages étaient à connaitre).

Dès le deuxième millénaire avant JC, émerge l’idée de confier la gestion des affaires de l’empire à des professionnels (compétents et loyaux à l’empereur), pour compenser l’influence des seigneurs locaux souvent rebelles vis-à-vis du pouvoir central. Confucius (551-479 avant JC) lui-même a décrit le rôle des mandarins. Dans les faits, en perspective historique, de nombreux mandarins sont souvent devenus corrompus et peu scrupuleux.

Mais également, par ordre alphabétique : allumettes, bateau à aubes, cercueil en bois, cerf-volant, colorants, écluse (inventée vers l’an 1000), étriers (3ème siècle, qui permet au cavalier de mieux tenir sur sa monture et de l’orienter), fusées éclairantes, harnais et collier (1000 ans avant l’Europe), moulinet de canne à pêche, papier toilette, pont suspendu, réfrigérateurs, repiquage du riz (13ème siècle), vernis à ongles.

Photographie personnelle de l’auteur, Grande muraille à proximité de Pékin, 1992

Sujet polémique ou/et de réflexion : Malgré toutes ces inventions, « la Chine a pratiquement tout inventé avant l’occident, pourquoi n’en a-t-elle pas plus tiré profit ? » José Frèches propose plusieurs pistes, développées ci-dessous. Comment cet empire a succombé à l’emprise des occidentaux au 19ème siècle (guerres de l’opium de 1839-42 et 1856-60) abandonnant provisoirement une partie de son territoire (concessions internationales et bail)

  • La langue chinoise a-t-elle été un « facteur d’isolement » ?
  • Un certain « complexe de supériorité » de l’empire du milieu, civilisation multimillénaire, entouré du monde « barbare » a-t-il joué ?
  • « L’omniprésence du rituel et du code dans la civilisation », peut-il avoir été un « facteur de régression : respecter les rites, c’est d’une certaine façon refuser l’invention … le respect dû au passé et à la tradition est un facteur d’immobilisme »
  • L’organisation « politique et sociale » de la société chinoise peuvent aussi avoir joué, « n’encourageant pas la diffusion des inventions à l’ensemble du corps social et l’amélioration du potentiel économique ou militaire » : les élites … (étaient) les lettrés et les fonctionnaires, tandis que les commerçants et ingénieurs (étaient) moins bien considérés », les « classes laborieuses » (paysans notamment) étant surtout utiles « pour l’armée » et « pour (payer des) impôts ».

Dans le dictionnaire amoureux de la Chine, José Frèches indique que Joseph Needam (médecin écossais, 1900-1995) a consacré sa vie à comprendre pourquoi la Chine qui a tout inventé, en a aussi peu profité. Pour Joseph Needam, le système confucéen n’est pas favorable au développement de la science : la nature est structurée selon un ordre immuable sur lequel l’homme n’a aucune prise (place de l’astronomie, la divination) … mais José Frèches rappelle que « l’histoire n’est pas terminée » …

Il indique également qu’il n’est pas prouvé que la Chine n’ait pas su tirer de ses principales inventions comme la boussole, l’imprimerie, le papier, la soie, la porcelaine (au 19ème siècle la Chine exportait massivement vers l’Angleterre : thé, soie et porcelaine) ; mais la Chine s’est toujours montrée moins « belliqueuse et cynique » que les grandes puissances occidentales qui ont utilisé les inventions dont elles disposaient « pour assouvir leur esprit de conquête et leur impérialisme … L’absence de volonté de domination du monde par la Chine explique son rapport à la science ».

  • On peut également rajouter que le système mandarinal qui a fait la force de l’organisation administrative de cet immense empire, dont les concours étaient essentiellement basés sur une somme phénoménale de textes à connaitre par cœur (des « têtes bien pleines plutôt que bien faites ») tendaient à privilégier le conformisme (apprentissage des textes anciens) et l’immobilisme (pour conserver leurs privilèges).  

[1] Empire contemporain de la Rome antique à cheval sur la République avant -27 et sur l’Empire ensuite ; et comparables en termes de surface et de population à leur apogée respectif (6 millions de km² et 60 millions d’habitants chez les Han contre 5 millions km² et 88 millions d’habitants pour Rome).

[2]   Toujours restés en vigueur quelque-soit le nombre des classiques : Shujing (livre des Histoires – compilation des gravures des vases rituels en bronze), Shijing (livre des Odes – poèmes lyriques), Chunqin (chroniques royales et princières, également connu sous le nom Annales des printemps et automnes), Yijing (livre des mutations – divination) et Zhouli (rituels des Zhou, règlements administratifs, rituels publics et privés)

H.MARION                                                                        

Extrait « augmenté » de la conférence sur l’histoire et la culture de la Chine mars 2020

Sources essentielles et bibliographie expresse :

Il était une fois la Chine : 4500 ans d’histoire – José Frèches 

Le dictionnaire amoureux de la Chine – José Frèches 

Atlas de la Chine – Thierry Sanjuan

La Chine, comprendre sa culture, son histoire, son devenir –  Michel Armand, Bernard Castiglioni, Claude Ledoux (Conférence de l’Université du temps libre d’Orléans 2006-2007),

Chine, cultures et traditions – Jacques Pimpaneau

La Chine et l’Occident – dossier Le Point Décembre 2021

L’esprit de la Chine – Le Point Références Décembre 2022-Fevrier 2023

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Un commentaire

  1. JF Vergnangeal dit :

     Je viens de lire avec attention ton article Instructif et informatif dirais je …Tout est dans : «  l’histoire n’est pas terminée… » …

    Sur les freins à leur développement, je ne suis pas convaincu que le Confucianisme en soit un, je pense que c’est plutôt un socle …et l’histoire n’est pas finie comme dit Frèches…

    Ceci étant l’empire du Milieu n’a jamais été colonisateur au sens européen du terme…Par contre ils ne vont pas tarder à nous inonder de leurs produits à prix cassés pour résoudre leur problème de faible croissance qui n’est plus à 2 chiffres ( et leur consommation intérieure qui baisse..) 

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